Des cartes postales, une partie du portfolio de Mister Pee.
Thomas Dityvon, ou plutôt Mister Pee, entretient une relation singulière avec ses personnages superficiellement comiques aux « idées fumeuses ».
« Je ne peux pas juste dessiner sans réfléchir, je suis en recherche perpétuel de sens. Je trouve du sens dans une forêt d’arbres, par exemple, un monde toujours plus organique traduisant un retour à la terre. C’est une manière, pour moi, de lutter contre la « culture » de la ville, celle instaurée pas les politiques. C’est pour ça que mes personnages portent toujours des chapeaux. Pour moi, les chapeaux et les cravates représentent les politiques ou les gros industriels, les grands patrons » dit-il.
Mister Pee colle ses oeuvres dans le 10ème arrondissement.
Avec une solide formation professionnelle de graphiste et d’illustrateur et après avoir été, des années durant, dessinateur d’une bande dessinée pour un magazine jeunesse populaire, Dityvon explique qu’ « en France, l’industrie agroalimentaire de masse, les supermarchés sont dangereux pour nos esprits ».
Basé en banlieue parisienne, à Montreuil, il vit dans une modeste maison avec sa jeune famille. On comprend facilement comment il est arrivé dans cette position « à contre courant ». Il continue : « mon travail est une réflexion sur la liberté : comment tu définis ta liberté et l’idée de ne pas vouloir être un mouton ».
Le caractère politique inhérent au street art s’illustre parfaitement dans la manière dont Dityvon a choisi de traduire artistiquement sa perception de l’industrie capitaliste. De même, il n’est pas surprenant que lorsqu’on l’interroge sur ses influences, il fasse référence à l’artiste et théoricien polonais Krzysztof Wodiczko dont les projections lumineuses sur des immeubles et bâtiments puisent dans la puissance du contexte pour initier des débats sur l’actualité contemporaine. Pee le décrit comme « plus fort que Banksy ».
Krzysztof Wodiczko une projection de lumiere , Washington D.C. (1988).
Mais attention, Pee n’est pas un anarchiste délirant et le monde qu’il imagine et colore dans ses illustrations est « sans prétentions ».
Certes, il y incorpore ses opinions politiques, mais il est conscient que son art est plus que ça. L’art est une autre histoire, « juste une manière de trouver à s’exprimer à travers les formes ». Son portfolio éclectique : œuvres acryliques, animés ou encore jouets en papier, est un témoignage de l’étendue de son panel artistique.
Ayant été, dès son plus jeune âge initié à la photographie et au cinéma, mais aussi sensibilisé au graffiti new yorkais old school, Mister Pee a rapidement été absorbé dans son imaginaire décalé, incorporant toujours une touche d’humour dans son street art. « Il faut toujours que je sois sarcastique… J’essaye toujours d’avoir une certaine sagesse qui me permet de garder un regard critique sur tout. Je garde mes distances pour rester libre de penser et de dire ce que je veux. Il s’agit d’aller toujours au delà des apparences ».
A travers ses illustrations, l’artiste tisse donc des liens étroits entre ses personnages et les tendances politiques. Mais il tient tout de même à rappeler qu’au delà du « purement politique », son travail traite essentiellement du retour à l’état de nature, se référant à Voltaire et Rousseau et au siècle des Lumières. « Il y a une opposition légendaire entre culture et nature … C’est la même idée ! Le retour à la terre ».
Une illustration à l’aquarelle de Dityvon.
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Originally published 31 July, 2015