Parlez-nous un peu de vos travaux, quels sont les thèmes principaux ? Par quoi avez-vous été influencé ?
Je ne sais pas si l’on peut parler de “thèmes principaux” dans mes travaux, je travaille sur des mises en scène du dessin dont les thèmes sont différents à chaque fois. Mes influences sont multiples, elle vont du théâtre au cinéma, des arts plastiques à la bande dessinée. Après, je travaille avant tout à partir de lieux de vie urbains dont l’iconographie de mes scènes découle forcément. J’exploite la plupart du temps des scènes tirées d’un quotidien fantasmé, toujours un peu en décalage par rapport à la réalité.
L’ancien Quartier latin sur la rive gauche à Paris dans le 5e arrondissement.
Où et quand avez-vous fait votre première oeuvre de rue ?
J’ai commencé à peindre sur les murs vers 13-14 ans en Guadeloupe, mais c’était alors beaucoup plus m’amuser et pour l’adrénaline que dans un but artistique. A 17 Ans, je suis parti vivre à Strasbourg, ville dont les murs sont tellement propres et chargés d’histoire que peu sont prompts à s’y attaquer mais travaillant à l’époque sur des installations vidéo, j’ai pu faire quelques expérimentations de projections en milieu urbain. Mais c’est en arrivant à Paris en 2012 que j’ai véritablement commencé mon travail de dessin de rue, inspiré par l’architecture et par le sentiment de liberté qui se dégage de la capitale.
Qu’est ce qui vous pousse à peindre dans la rue ?
La rue est un espace qui me permet avant tout de travailler librement, sans contraintes pécuniaires ou temporelles. Ensuite c’est surtout l’envie d’investir des lieux d’usage, des lieux du quotidien et de pouvoir ainsi faire des installations qui dialoguent avec le monde réel. J’aime l’idée de tenter de confondre plusieurs degrés de réalité, utiliser le monde comme support et comme guide pour une représentation, mettre l’image artistique en situation, dans un lieu qui ne lui est à priori pas réservé.
Quelle est l’importance de l’architecture dans votre travail ?
La topographie des lieux est très importante pour moi, c’est pourquoi je repère toujours un lieu avant d’y intervenir. Je cherche à mêler le monde de la représentation au monde réel en jouant sur la cohésion physique des situations que je mets en place. L’architecture agit comme le tuteur de l’œuvre. Il y a ensuite en effet tout un travail sur la mise en scène de l’œuvre via l’outil photographique. La photo me permet de jouer sur le point de vue et d’accentuer ainsi la dimension “trompe l’œil” de mon travail. La photo me permet aussi, en incluant des passants ou d’autres éléments dans l’image de travailler sur une mise en scène dans la mise en scène.
Parlez-nous de votre éducation artistique. Comment et pourquoi êtes-vous entré dans le monde du street art ?
J’ai commencé des études d’arts plastiques à 17 ans, touché un peu à toutes les techniques (peinture, photo, vidéo, sculpture…) et je suis aujourd’hui professeur d’arts plastiques mais comme je le disais plus haut mes influences artistiques sont multiples et ma pratique théâtrale a par exemple beaucoup influé sur mon travail. Disons que je suis plus entré dans le monde du street art par transposition d’une pratique d’installation que de manière “classique”, c’est-à-dire en commençant par le graffiti et en évoluant vers le graphisme.
Vous habitez dans le 13è : qu’est ce qui vous plait dans le fait d’installer votre travail localement ?
Je travaille parfois dans mon arrondissement, pas fréquemment mais régulièrement. J’aime de temps à autre pouvoir suivre la vie d’une œuvre, ses transformations, les interventions d’autres artistes et sa destruction. C’est aussi un confort pour moi car c’est le seul arrondissement de Paris dans lequel je peux coller en toute impunité et dans lequel mes collages ne sont pas effacés par les services municipaux grâce à sa mairie qui mène une vraie politique d’inclusion des arts urbains dans l’identité du quartier.
Quelles rues empruntez-vous pour trouver où faire de l’art ? Comment savez-vous quand l’emplacement est le bon et quels sont les facteurs que vous prenez en compte ?
Je suis relativement attentif aux lieux dès que je suis à l’extérieur et quand le hasard me met face à un lieu intéressant, je le prends en photo et je prends des mesures. Tout est potentiellement intéressant, une tache sur le béton, une fissure, un renfoncement, un élément de mobilier urbain… Après, le fait que j’utilise ou pas le lieu repéré dépend des projets que j’échafaude au jour le jour. Il y a des lieux que j’ai repéré que je n’exploiterai probablement jamais et il peut se passer un an entre le repérage du lieu (que je sauvegarde en entassant des gribouillages dans des carnets) et la mise en œuvre d’un projet dans celui-ci. Quand je fais du repérage volontaire, c’est-à-dire que je sillonne des quartiers uniquement dans ce but, je me dirige naturellement vers les ruelles, les endroits un peu cachés, les quartiers atypiques et je fuis les grands boulevards.
Pouvez-vous décrire un chemin que vous avez pris dans le passé, ou un chemin de tous les jours, décrire les détails que vous remarquez le long de cette route ?
Je pense que ce que je préfère, c’est encore de remonter les différents cours d’eau de paris, les quais de seine, le canal saint martin, le canal de l’Ourcq. Les cours d’eau offrent toujours des éléments d’architecture et des espaces qui semblent totalement étrangers au quotidien d’une mégalopole comme Paris. J’aime ces lieux car il m’inspirent facilement des situations surréalistes. La proximité d’un cours d’eau, dans un sens, me conforte dans l’illusion que je reste connecté au reste du monde.
Quel est le plus gros challenge auquel vous ayez fait face en installant une oeuvre dans la rue ? Avez-vous déjà été arrêté par la police en installant une oeuvre ?
Dans ce sens, il y a deux mois, j’ai collé un dessin sur la comédie française à 20 mètres d’une dizaine de policier. Je ne me suis pas fais remarquer cette fois-là, mais à chaque fois que ça a été le cas, les policiers ont toujours été conciliants, parfois amusés. Sur ce plan là je n’ai pas à me plaindre! Ceci dit, je n’ai pas vraiment l’impression de faire face à un challenge en étant confronté aux forces de l’ordre, j’ai beaucoup plus l’impression de relever un défi quand je me lance dans un projet dans lequel j’essaye de nouvelles choses car avant la fin de l’installation, je ne suis jamais sur à 100% du résultat. Je suis d’ailleurs obligé de modifier mes projets la moitié du temps car je me rends compte sur place que par exemple, tel dessin est trop grand pour tel mur ou que tel objet ne peux pas être fixé avec des clous.
Quels sont vos projets pour 2015 ?
J’ai quelques expositions collectives prévues à Paris, une expo et deux festivals en Italie et surtout de l’imprévu! J’ai aussi quelques projets d’installation en intérieur mais pour l’instant, rien de bien défini.
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15 minutes of fame. Photo par Charles Levalet, 2014.
Rhizomes exhibition, Home street home, Montpellier. Photo par Charles Levalet, 2014.
Iconoclasme. Photo par Charles Levalet, 2013.
La machine infernale. Photo par Charles Levalet, 2014.
Une bouffée d’air frais. Photo par Charles Levalet, 2013.
Comédie française. Photo par Charles Levalet, 2014.
Envolée sauvage. Photo par Charles Levalet, 2014.
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