L’artiste japonais Sneakerwolf, célèbre pour son style audacieux alliant calligraphie traditionnelle japonaise (Edo-moji) et street art moderne, fait ses débuts européens avec l’exposition « Super Deformism ». Reconnu pour ses collaborations avec des marques iconiques telles que Nike, Supreme, et Asics, Sneakerwolf apporte un regard nouveau sur l’art urbain en réinterprétant les formes et lettres japonaises dans des créations vibrantes et abstraites.
L’exposition se déroule au Helinox Creative Center, à Paris, du 16 au 30 octobre 2024. Composée de 15 œuvres inédites, spécialement créées pour cet événement, elle invite le public à découvrir un univers où se mêlent tradition et modernité. À travers ses œuvres, Sneakerwolf propose une réflexion sur la culture japonaise tout en s’inscrivant dans l’esthétique du graffiti contemporain.
Nous avons eu le plaisir de rencontrer Sneakerwolf pour une interview exclusive afin d’en savoir plus sur son parcours et l’exposition.
Pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours en tant qu’artiste ? Comment avez-vous commencé, et qu’est-ce qui vous a conduit là où vous en êtes aujourd’hui ?
Je travaillais dans la conception graphique commerciale et je créais des œuvres d’art. Cependant, je n’avais pas l’intention de devenir artiste. Lorsque je commençais à ressentir du stress à cause du décalage entre mon travail et ce que je voulais réellement faire, j’ai lu un livre de Tadanori Yokoo dans lequel il disait qu’il s’était déclaré peintre à l’âge de 42 ans. À ce moment-là, j’avais aussi 42 ans, et cela m’a interpellé. J’ai organisé une exposition solo à mes propres frais. Je pense que c’est à ce moment-là que j’ai réellement commencé en tant qu’artiste. Par la suite, à chaque exposition personnelle, j’ai reçu des propositions pour d’autres expositions ou collaborations. Même si je ne suis affilié à aucune galerie, j’ai pu organiser régulièrement des expositions personnelles et continuer dans cette voie jusqu’à aujourd’hui.
2. Votre travail est influencé par diverses cultures, du graffiti de rue à la calligraphie japonaise. Comment ces éléments se sont-ils unis pour façonner votre style artistique unique ?
Depuis mon enfance, j’ai toujours aimé la culture de rue américaine, en particulier les graphiques de skateboard et l’art de rue, et je voulais en créer moi-même. Cependant, lorsque j’ai voulu créer un art de rue japonais original, qui ne soit pas une simple copie de l’art de rue américain, j’ai découvert la culture de rue japonaise du XVIIIe siècle, telle que l’Edo-moji et l’Ukiyo-e. Mon style a émergé lorsque j’ai réalisé que la même culture que je recherchais en Amérique existait déjà dans le Japon du XVIIIe siècle. À partir de là, mon style a pris forme en continuant à créer des œuvres basées sur la culture traditionnelle japonaise, qui est ma racine, tout en incorporant la culture américaine qui m’a influencé dès ma naissance, dans le but de créer des œuvres où ces deux mondes coexistent.
3. Cette exposition marque votre première en Europe, plus précisément à Paris. Pourquoi avez-vous choisi cette ville pour vos débuts européens, et que cela signifie-t-il pour vous ?
L’Edo-moji est né à la même période que l’Ukiyo-e. Aujourd’hui, l’Ukiyo-e est considéré comme de l’art, tandis que les caractères Edo ne sont pas reconnus en tant que tels. Mon objectif est de définir la beauté des Edo-moji et de les intégrer dans le monde de l’art. Je crois que cela en vaut la peine. Tout comme l’Ukiyo-e a été reconnu en tant qu’art par les Parisiens, je sens que cette exposition est une opportunité pour que les caractères Edo soient également rétablis en tant qu’art par les Parisiens.
4. Les 15 œuvres exposées ici ont été créées exclusivement pour cette exposition. Quelles ont été vos inspirations pour ces œuvres, et en quoi diffèrent-elles de vos projets précédents ?
Pour ce projet, je voulais extraire les formes esthétiques des caractères Edo, plutôt que simplement les dessiner. J’ai donc utilisé des lettres sans signification pour cet objectif. J’ai pensé pouvoir exprimer cela en déformant de manière exagérée des coups de pinceau abstraits. J’ai été inspiré par les coups de pinceau dans le style de Roy Lichtenstein, entre autres, pour créer ces œuvres.
5. Votre style est souvent décrit comme une calligraphie « super-déformée » influencée par l’Edo-moji traditionnel. Comment expliqueriez-vous ce concept, et qu’est-ce qui vous a poussé à l’explorer ?
Quelles sont les formes des lettres Edo ? Et pourquoi y sommes-nous attirés ? C’est là que mon exploration a commencé. Quand j’étais enfant, j’ai été hospitalisé pour une maladie. À ce moment-là, un garçon un peu plus âgé que moi, dans le lit voisin, m’a donné une grande quantité de gommes d’animés. L’une d’elles représentait un personnage d’anime appelé SD Gundam, qui avait une apparence déformée avec une grosse tête et peu de détails. Pendant mon séjour à l’hôpital, cet objet m’a vraiment soutenu émotionnellement. En y repensant, j’ai réalisé que c’était la même chose qui était faite avec les caractères Edo. J’ai été convaincu que l’origine de la technique d’animation appelée « super déformation » venait des caractères Edo, et j’ai conclu que c’était l’un des aspects esthétiques et techniques uniques au peuple japonais. C’est ainsi que j’ai établi la théorie du « super déformé ».
6. Vous avez exposé en Asie et à New York. Quels défis ou opportunités voyez-vous en présentant votre art à un public européen ?
Je n’ai pas reçu de formation académique dans les beaux-arts. Cela peut être un défi, mais je crois que c’est aussi une force. Mon travail est sans aucun doute quelque chose que les Européens n’ont jamais vu auparavant. Je vois cela comme une opportunité de provoquer le même choc que l’Ukiyo-e a provoqué à Paris.
7. Comment intégrez-vous vos expériences dans l’art de rue et la conception de sneakers dans votre approche de la création d’œuvres d’art ?
Nous ne l’intégrons pas consciemment dans notre production, mais je pense que cela a une influence latente.
8. Les éléments de la culture japonaise semblent centraux dans votre travail. Pensez-vous que votre héritage influence les thèmes et les techniques dans votre art ?
Je suis influencé non seulement par les thèmes et techniques, mais aussi par la mentalité de l’artisanat japonais. Satisfaire le client, un travail propre, et le travail manuel sont aussi des éléments importants dans mon travail.
9. En combinant la calligraphie traditionnelle avec le graffiti moderne, quels messages ou émotions souhaitez-vous transmettre à votre public ?
En dessinant en anglais (graffiti) des formes qui ressemblent à des caractères chinois (calligraphie), l’objectif est de briser les idées préconçues et les stéréotypes des spectateurs.
10. Qu’espérez-vous que les visiteurs retiennent en découvrant votre art lors de cette exposition ? Y a-t-il un message ou un sentiment spécifique que vous souhaitez qu’ils emportent avec eux ?
Nous visons à changer certaines idées préconçues et concepts individuels. Je crois que la discrimination et les conflits dans le monde sont causés par des préjugés sociaux ou personnels. Donc, si nous pouvons les changer un peu, je pense que la discrimination et les conflits diminueront dans le monde.
Conclusion
Pour conclure cette interview, nous tenons à remercier chaleureusement Helinox Creative Center pour avoir accueilli cette première exposition européenne de Sneakerwolf à Paris. Merci également à l’artiste pour ses réponses détaillées et passionnantes.
L’exposition « Super Deformism » est visible du 16 au 30 octobre 2024 au Helinox Creative Center, situé au 10 Rue du Perche, 75003 Paris. Profitez de cette opportunité pour découvrir ces œuvres uniques, créées exclusivement pour cet événement.
Horaires : du lundi au dimanche, de 11h30 à 19h30