Jean-Pierre Villafañedont la peinture Douzième nuit (2022) apparaît en couverture de ce numéro de L’art en Amériquefait l’objet d’une rubrique « Nouveaux Talents » dans le magazine. Depuis son studio de New York, Villafañe a déclaré AiA la trame de fond de la pièce, présentée ci-dessous dans son intégralité.
Le titre Douzième nuit vient d’une comédie de William Shakespeare qui tourne autour de l’amour, des erreurs d’identité et des complexités du genre, des thèmes avec lesquels je travaille beaucoup. Il est basé sur la 12ème nuit après Noël, une période associée aux réjouissances et à l’inversion des normes sociales, qui reflète les thèmes du déguisement et de la transformation sur lesquels Shakespeare a basé sa pièce.
Ma formation initiale est celle d’architecte : j’ai étudié neuf ans avant d’aller travailler dans un bureau à New York. Nous concevions une clinique de Botox pour le World Trade Center, et j’ai décidé de changer de vitesse pour devenir peintre et j’ai fusionné ma passion pour l’architecture avec la peinture. Douzième nuit est une peinture qui illustre mon exploration de l’identité fragmentée, tant dans les personnages que dans l’architecture.
Pour les personnages, je regardais des personnages idiosyncratiques que l’on voit au centre-ville de New York, comme un banquier de Goldman Sachs qui est un frère financier toute la journée et, la nuit tombée, porte une drague. Ou un médecin que j’ai rencontré en ville et qui est anesthésiste ; tous les soirs on sortait, il se faisait plâtrer, et le lendemain il allait faire une anesthésie à l’hôpital. Il peut y avoir une telle disparité entre le vrai soi et les masques que nous portons dans la société. Pour ce travail, j’ai décidé de les confronter en une seule figure, essayant de faire écho à cet intérêt pour le jeu de rôle social.
La segmentation géométrique des visages recoupe mon parcours architectural et évoque ma sensibilité architecturale. En architecture, lorsque vous dessinez des plans, vous coupez parfois des sections verticales à travers un bâtiment pour exposer ce qu’il y a à l’intérieur, ou prenez des vues isométriques pour déformer la réalité afin que vous puissiez voir le haut d’un bâtiment ainsi que la façade. J’utilise ces outils de représentation architecturale pour modifier la réalité de mes compositions figuratives.
Lorsque je suis devenu peintre, après la pandémie, j’avais l’impression que les relations interpersonnelles avaient changé et que les espaces domestiques étaient devenus très publics. La maison est devenue plus ou moins le centre total de la vie humaine, dans le sens où nous avons transformé les maisons en bureaux, en écoles et, dans certains cas, en discothèques. Je suis devenu fasciné par la façon dont non seulement certains personnages portaient des masques, mais aussi par le fait que le programme de la maison avait évolué vers un nouveau rôle. Dans Douzième nuitvous avez une segmentation géométrique et une fragmentation de la figure humaine, où elle se divise, puis aussi une fragmentation abstraite qui correspond à la façon dont je vois la ville et ses habitants comme une partie dynamique et changeante d’un récit plus vaste.