Si les études de genre ont un sens dans l’histoire de l’art, c’est dans des cas comme celui de l’artiste anglo-portugaise Paula Rego (1935-2022). On ne peut comprendre son travail que dans le cadre plus que machiste du Portugal et de l’Angleterre des années 1950 aux années 1970. Le catalogue de l’exposition que lui consacre le Kunstmuseum de Bâle, en Suisse, laisse toute la place à cette grille d’analyse, des plus pertinentes en l’occurrence : ce que Paula Rego a peint, aucun homme n’aurait pu le faire.
Cette lecture, mêlée à d’autres plus classiques, permet de concevoir l’une des expositions les plus remarquables, en 108 œuvres, que l’on ait vue de l’artiste. Longtemps invisible, et même si elle a été, une grande partie de sa vie, soutenue par la fondation Calouste Gulbenkian de Lisbonne, elle n’a eu sa première grande rétrospective qu’à la Tate Gallery – bien que ce soit à celle de Liverpool et non de Londres – seulement en 1997. L’année suivante, son pays natal rejette par vote le premier texte tentant de légaliser l’avortement.
En réaction, Paula Rego, qui, en tant que hors-la-loi, avait dû en endurer plusieurs, commença une série de peintures parmi les plus fortes peintes de sa génération. Elles représentent, grandeur nature ou presque, des femmes seules (la « tricoteuse » doit avoir fini son travail), allongées sur les meubles de fortune utilisés pour l’opération. Parfois, un seau à proximité ajoute au drame de la scène. On dit que l’exposition de cette série n’a pas été pour rien dans l’adoption définitive de la loi autorisant finalement l’avortement au Portugal en 2007.
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