« Je photographie ce que nous prétendons être, afin de découvrir ce que nous sommes réellement »… Depuis plus de cinquante ans, l’Américain Neal Slavin poursuit cette ambition : rendre hommage à l’individu dans la foule, le consacrer comme une créature à la fois sociale et singulière. Dans les années 1970, il devient le maître de la photographie de groupe. De cette pratique ultra-codifiée (de l’école au rituel du mariage), il a fait un jeu, la parabole imparable de son pays.
Tout commence en 1972. Alors âgé de 31 ans, Neal Slavin obtient une bourse, le National Endowment for the Arts, qui lui permet de lancer un projet intitulé « Group Portraits of American Organizations ». « J’ai l’intention de réaliser une œuvre qui exprime le désir d’appartenir à notre pays et les conflits générés par ce désir, » proclame le jeune photographe dans sa note d’intention en 1973. Pour résumer, je souhaite photographier des groupes. Ils incarnent l’Amérique. »
La lecture du philosophe et historien français Alexis de Tocqueville (1805-1859) lui en a donné l’idée. En 1838, dans son célèbre essai De la démocratie en Amérique, ces derniers considéraient les nombreuses associations que les jeunes aimaient former comme l’expression d’un nouvel ordre social, rompant avec les hiérarchies rigides de la vieille Europe. Ou le groupe comme expression d’une démocratie en train de s’inventer…
Un autre déclencheur a été la fascination ressentie par Neal Slavin lorsqu’il a découvert le portrait panoramique d’une troupe de scouts, réalisé lors d’un camp d’été. « Je me souviens d’avoir étudié leurs visages, leur langage corporel, de me demander qui étaient ces clowns, ces enfants sérieux, évoque le vieux louveteau. Ils s’étaient réunis pour un instant disparu à jamais. Il ne restait plus que cette image indélébile. »
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